Après The Haunting of Hill House, Bly Manor, et Midnight Mass, Mike Flanagan s’essaie avec succès à la teen série pour Netflix avec The Midnight Club, objet sériel non identifié, intrigant et magnifique, adaptation du roman éponyme de Christopher Pike. L’histoire d’un groupe d’ados en phase terminale qui se réunissent dans un hospice pour vivre sereinement leurs derniers jours. Le soir, à minuit, ils se regroupent dans la bibliothèque pour se raconter des histoires, effrayantes ou pas. Flanagan y poursuit avec brio son tissage minutieux de l’intime et de l’horreur.

Ilonka et ses compagnons de fin de vie se savent condamnés. Pour tromper l’angoisse, ils passent leur temps à se raconter des histoires. A travers elles, Mike Flanagan explore tous les genres, du drame au thriller en passant par la SF. Si les références ne manquent pas (Halloween, Terminator…), The Midnight Club ne ploie jamais sous le poids de ses ascendants et trace son propre sillon, dans la lignée de tout le travail du showrunner ; un sillon profondément humain, attaché à ses incarnations. Flanagan fait preuve d’une considération admirable pour ses personnages, plus que des témoins, plus que des martyrs et bien plus que des narrateurs. En parvenant à donner de l’épaisseur à chacun d’eux au fil des épisodes, la série s’épargne tout le pathos attendu quand on traite de fin de vie, spécialement celle des ados, pour livrer une chronique horrifique et dramatique de l’inéluctable.

Flanagan étonne et émeut surtout par son inébranlable foi en la force des histoires. The Midnight Club fait preuve d’une intelligence d’écriture rare pour une teen série, et perpétue le goût du showrunner pour l’anti-drame et la combustion lente. Chaque histoire est le reflet de son narrateur, chaque histoire est un morceau de ses auditeurs, et chaque histoire est un dérivatif pour ces enfants que la mort attend déjà. Flanagan détourne la peur, celle des personnages, et celle des spectateurs, de la mort imminente à un jumpscare facile, du cancer aux fantômes de petite fille. Ces histoires sont autant de références que de paraboles, celles d’enfants perdus qui imaginent leur fin pour mieux l’appréhender, celles d’ados en déroute qui regardent en arrière pour voir ce qu’ils ont fait de travers. L’horreur n’est jamais là où la série nous la montre, elle se cache ailleurs.

Ici, rien n’est gratuit, tout est calculé, même la grande histoire. Car oui, le format de la série est atypique, semi-anthologique. En dehors des histoires qu’ils se racontent, les ados sont aussi confrontés au sombre passé de leur hospice. À moins que tout cela ne soit qu’une autre histoire qu’ils se racontent collectivement, qui ne serait pas le reflet de leur peur cette fois mais celui de leur espoir, caché, ténu mais brûlant. Ils veulent vivre, ils veulent aussi croire aux signes, ils veulent une fin heureuse. À mesure que l’horreur s’estompe, à mesure que la peur se dissipe, chacun prend conscience que la fin de la vie ne les oblige en rien à arrêter de vivre. La série se permet une liberté narrative assez impressionnante pour une plateforme aux genres plutôt calibrés, et fait preuve d’une maturité à la hauteur de son sujet qui permet à Flanagan de nous tirer une larme sans jamais nous forcer à pleurer. Le mérite en revient aussi à ses interprètes, tous très convaincants car tous bien développés.

The Midnight Club est donc un nouveau succès pour Mike Flanagan, un showrunner décidément atypique, qui s’empare de toutes les formes d’horreur pour les entraîner dans son univers poétique et terrifiant. Un drame intime, un film d’horreur, un mélo habile, tout cela à la fois et peut-être rien de tout cela. Une série magnifique, effrayante et par moments vertigineuse.
Mathias Chouvier