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Le dernier documentaire de Patricio Guzman offre le récit des soulèvements populaires du Chili, épicentre de ce qui a été appelé en 2019, El Otoño caliente.

Ce qui peut surprendre à première vue, c’est la formalité de l’œuvre. Tout le film se construit sur une alternance de témoignages de personnes ayant été les témoins et les acteurs des manifestations chiliennes pendant près de deux ans. En réalité, cette formalité – qu’on aurait pu injustement assimiler à de la redondance ou à une volonté d’imposer un rythme rigide à un événement représenté qui, lui, est totalement mouvant – est peut-être la manière la plus élégante d’aborder ces protestations. La forme en toute simplicité permet au contraire de mettre en valeur la population en ébullition dans tout le pays. Ces foules engagées se suffisent à elles-mêmes, les représenter au travers d’artifices de mise en scène serait de trop.

La force du documentaire de Guzman réside dans sa capacité à susciter l’espoir, d’allumer la flamme endormie des plus vieux militants, à ceux dont les horizons d’un monde plus juste s’amenuisent à mesure que le temps qui leur reste s’égrène. J’en veux l’ouverture du film qui se fait sur les extraits de son premier long métrage, Primer año, au moment de la victoire électorale de Salvador Allende, le candidat de la gauche en 1970. Le réalisateur nous remet dans le contexte d’un espoir qui habitait le cœur de tout un pays au lendemain de l’élection ; le jour d’après devait être lumineux. Et puis le coup d’État… La suite est connue. Pinochet au pouvoir et une longue dictature dont la constitution est restée comme héritage de l’époque.

Après nous avoir montré tout le déroulement des manifestations et des protestations contre le gouvernement chilien, Guzman prend le temps d’exposer tout le processus institutionnel via les instances démocratiques, qui sont mobilisées pour répondre aux demandes sociales. Il s’attarde sur le référendum demandant une nouvelle constitution, l’élection de l’assemblée constituante, l’écriture de la nouvelle constitution, et puis l’élection du candidat Gabriel Boric, cinquante ans après Allende. Le film se termine sur les images du succès électoral d’un président chilien de gauche – comme au début de celui-ci – car on devine qu’un nouvel espoir se dessine après des soulèvements populaires dont le réalisateur dit n’avoir jamais rien vu de tel dans l’histoire de son pays.
Néanmoins, le réel ne fait pas de mystère, le vent semble avoir tourné pour le peuple chilien, Boric réprime et la constitution a été rejetée par référendum. Cela n’apparaît pas dans le film de Guzman, qui continue à faire vivre cet espoir d’une révolution par les urnes comme finalité de la rue. Oui, le film de Guzman, c’est l’espoir qui s’appuie sur le réel quand tout semble encore possible. Le cynisme n’y a pas sa place.
Julien Mauricio
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