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A l’occasion de la sortie de Rifkin’s Festival, prenons le temps de revenir sur ce réalisateur souvent acclamé par la critique et pourtant dont l’œuvre est le témoin de sa nature intrinsèquement monstrueuse.
Woody Allen est un cinéaste new-yorkais qui dès ses débuts incarnait à l’écran un escroc à la malchance déconcertante dans Prends l’oseille et tire-toi. Loin de croire que ce rôle lui collerait tant à la peau, il développe une œuvre témoin de ses maux et de son inclinaison perverse pour le sombre.
Ehontés, suffisants et autoproclamés géniaux, les films de Woody Allen sont teintés d’une analyse du monde tantôt grinçante, tantôt morose. Surtout, derrière des plans magnifiques, le réalisateur arrive parfois à faire oublier (juste un instant) la banalisation du vice qui se déroule à l’écran. Ses films ne sont que des autoportraits illustrant sa maladie d’esprit, démasquant au fil des plans les couches d’un individu profondément torturé.
Questionner l’existence et se poser des grandes questions sans fond semble être le grand jeu de Woody Allen. Entre cynisme et autodérision, à force de vouloir moquer ceux qui se prennent trop au sérieux et rire de ceux qui ne se prennent pas assez au sérieux, on se retrouve simplement avec un individu peu appréciable aux relations personnelles totalement inappropriées tant dans la fiction que dans la réalité.
Whatever works, Wonder Wheel et Manhattan explorent chacun à leur façon ces questions sur la vie, la mort et bien plus encore… Cependant, tout dissone et finalement une seule chose raisonne : Woody Allen fait de ses personnages des individus aux rapports pervers et tordus. Il exploite ses désirs les plus mauvais et ses pulsions malsaines à l’écran impunément. Alors non, le Woody Allenisme n’est pas un humanisme1.
Le réalisateur explore ses propres relations et inclinaisons à l’écran. On remarque alors ses préférences pour les femmes plus jeunes et ce constat dérange.
Tout d’abord, dans Annie Hall, on remarque que c’est l’autodérision qui vient décorer une œuvre d’exploration de ses échecs amoureux. L’œuvre témoigne de son égoïsme et la psychologie de comptoir à l’écran nous est suffisante pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’un génie torturé mais bien d’un monstre qui se révèle au fil de ses œuvres.
Ensuite dans Manhattan, la relation entre Jill et Isaac respectivement 40 et 17 ans écœure et malgré le caractère éphémère de la liaison, le spectateur ne retient qu’une chose : un schéma se dessine dans l’œuvre de Allen et il n’est pas plaisant.
Enfin, Un jour de pluie à New-York ne manquera pas à la série. Le film a beau être magnifique, avec sa réalisation minimaliste, il laisse un goût amère. Derrière sa critique des faux-semblants bourgeois, on retrouve, encore une fois, des relations inappropriées à l’écran, un mélange douteux entre innocence et torture. Finalement, l’œuvre devient déplaisante.
Au fil des longs-métrages, le schéma se perpétue et passe de moins en moins ; l’homme torturé et la jeune femme innocente…Trop, c’est trop.
L’homme irrationnel semble renverser les codes en mettant en scène un homme odieux et foncièrement mauvais. Néanmoins, la première partie du film répond toujours aux mêmes logiques : Joaquin Phoenix joue un philosophe alcoolique et Emma Stone est une jeune femme lumineuse qui tombe évidemment amoureuse de ce professeur pessimiste confondant rêve et réalité (un peu comme Woody Allen finalement).
Woody Allen n’est pas, comme dans ses films, un personnage gauche, romantique et attachant ; et même avec un peu d’attention ce ne sont pas les mots qui viendraient à l’esprit quand il s’agit de décrire ses personnages.
Dans tous ces films transparaît finalement le vrai visage du réalisateur hollywoodien qui a fait commerce de son personnage de névrosé. Ce dernier n’est qu’un manipulateur, malsain et simplement pervers… Il magnifie les amours impossibles, banalise la douleur mais rappelons que la perversion n’est pas une condition.
Ensuite, l’impunité du mal qu’il met en scène peut parfois venir renforcer le biais en faveur de ce dernier. Le génie c’est de nous faire aimer détester les monstres à l’écran. Néanmoins, une fois le personnage cerné, Crimes et Délits et Match Point perdent un peu de leur grandeur et le monstre devient juste détestable.
Enfin, il est difficile de dénigrer l’ensemble de l’œuvre de Woody Allen, en ce qu’elle est colossale et témoigne d’un cheminement artistique clair. Malgré la qualité de Bananas ou Minuit à Paris, ou même de Match Point, il faut pourtant reconnaître la perversité des rapports entretenus dans la majorité de ses productions. Certains avancent que les films comme Harry dans tous ses états offrent une autre vision de la masculinité et proposent un “héros” peu conventionnel qui peut faire tomber des jolies filles malgré une apparence hors des canons de beauté et un esprit névrosé2. Néanmoins, la mise en scène des rapports demeure malsaine et souvent malvenue.
De plus, l’autodérision ne vient pas excuser l’égocentrisme et l’horreur intérieure torturant l’Homme. Certes, personne ne filme New-York comme lui mais ce n’est plus assez pour oublier tout ce qui entoure sa personnalité. Certains de ses anciens acteurs semblent témoigner dans ce sens et cela suffit à soutenir le propos de cet article. Parfois, les plans sont beaux, mais l’artiste et son œuvre se confondent et ce n’est pas un bon mélange. La torture et les inclinaisons douteuses transparaissent et cela même dans son dernier film.
Dans Rifkin’s Festival on retrouve un couple d’Américains à San Sebastian. L’épouse a une liaison avec un réalisateur français superficiel tandis que le mari tombe amoureux d’une docteur passionnée de cinéma. Festival de la niaiserie et des fantasmes mal filmés, Rifkin’s Festival c’est l’appropriation des moments cultes du cinéma et leur dégradation à travers l’imaginaire du personnage égocentrique de Mort. Les questionnements existentialistes creux propres à Woody Allen envahissent le film et le génie s’évapore. Désormais, les masques tombent, le génie incompris prend des couleurs de snobisme malvenu, les relations inappropriées ne passent pas bien à l’écran.
De cet article, il faut retenir une chose : le cinéma de Woody Allen pose un vrai problème politique, il est malsain, glorifie le problématique. Il est vicieux et idéalise des rapports que l’on ne peut plus normaliser. Non, les films de Woody Allen ne nous rendent pas meilleurs3, et il est désormais inconcevable de laisser un réalisateur produire une œuvre qui dépeint les relations hommes/femmes d’une manière aussi inappropriée.
Finalement, Rifkin’s Festival marque peut-être la fin de l’ère Allen et c’est certainement pour le meilleur.
Manon Videau
Notes de bas de page :
1 Les films de Woody Allen nous rendent-ils meilleurs? | Slate.fr
2 Ibid.
3 Ibid.