Les Trois Mousquetaires : Au royaume des navets, le passable est roi

Le projet suscitait des attentes contradictoires. D’un côté, le classique d’Alexandre Dumas est un matériau d’une richesse narrative rare, usé jusqu’à la corde par nos amis américains mais quelque peu laissé de côté sur ses terres natales. Puiser dedans, avec une enveloppe conséquente, semblait donc être une bonne solution pour relancer la machine à blockbuster française en panne depuis trop longtemps, si tant est qu’elle ait déjà fonctionné.

D’un autre côté, réunir l’intégralité de la fine fleur du cinéma français sous la houlette de l’un de ses plus piètres artisans (Martin Bourboulon, déjà coupable du meurtre de Gustave Eiffel) avait de quoi refroidir les plus impatients. Le résultat se situe dans cet entre-deux tiédasse, et accouche d’un film aussi fade que désincarné, qui fait le job sans conviction mais avec le sentiment du devoir accompli.

Alors, d’où vient le problème ? Comment le réalisateur, sa montagne d’argent, son casting à faire pâlir Quentin Dupieux et ses décors somptueux ont-ils pu aboutir à un long-métrage aussi insipide ? L’échec est sans aucun doute collectif, mais il en incombe particulièrement au réalisateur. Martin Bourboulon, ouvrier hors-pair, assure une direction d’acteurs parfaitement inexistante, laissant toutes les grosses têtes de son adaptation ampoulée faire ce qu’elles font de mieux, à savoir être elles-mêmes. Impossible de voir les personnages tant leur incarnation manque de vigueur, éclipsée par la personnalité écrasante de leurs interprètes dans une magnifique démonstration d’ego. Romain Duris cabotine, Cassel fait du Cassel, Pio Marmaï parle trop vite. François Civil quant à lui oscille entre un phrasé daté et une diction contemporaine agaçante, semant plus encore la confusion quant à sa capacité effective à interpréter D’Artagnan. Sa pseudo-bluette avec Lyna Khoudri, à côté elle aussi, enfonce le dernier clou du cercueil de ce D’Artagnan de pacotille, bien trop sérieux pour son propre bien. Seul Louis Garrel s’en sort la tête haute, suffisamment à l’aise pour faire confiance à son personnage de roi-bouffon et s’oublier derrière la figure littéraire. Même la talentueuse Eva Green échappe à tout contrôle dans un numéro de pseudo-sorcière pas menaçante pour deux sous.

Côté réalisation, soulignons tout de même le travail d’orfèvre des équipes du film, mais aussi de Martin Bourboulon qui opère des choix de décors et d’ambiance très judicieux. Dommage que ce dernier se sente obligé d’en gâcher aussitôt tous les bienfaits aux moyens d’une photographie boueuse qui transforme tous les plans en nuancier de marron. Le cinéaste, si tant est qu’il mérite ce nom, construit patiemment et plutôt intelligemment son film, aidé par un script sans saveur mais tout du moins efficace, en oubliant visiblement de donner des indications aux interprètes de ce pantomime, qui surnagent alors dans une débauche de batailles et de chevauchées au petit matin (qu’on nous vend comme de la nuit) le long des falaises anglaises. Les séquences d’action, cruciales, sont étonnamment peu découpées, sans doute pour mettre en avant la grande préparation des acteurs mais aussi la maîtrise du sacro-saint plan-séquence, ou par peur du surdécoupage. L’objectif est certainement atteint, mais porte un coup au rythme du film en ponctuant le long-métrage très bavard, Dumas oblige, de batailles mollassonnes où la caméra fait le travail du montage, et n’offre jamais le petit accès d’adrénaline tant attendu.

Alors certes, tout est loin d’être raté dans cette relecture du quasi bicentenaire livre d’Alexandre Dumas. Et il est vrai que les films français de cette envergure-là sont rares. Doit-on pour autant se contenter d’un film aussi tiède juste parce qu’il a le mérite d’oser s’aventurer sur des terres peu explorées, comme le sérine une partie de la critique française ? Faut-il céder aux sirènes de la facilité lorsqu’un producteur ose s’engager dans un film cher et ambitieux en dépit du résultat plus que mitigé ? Faut-il renoncer à toute exigence dès lors qu’une once d’ambition fait son apparition dans le cinéma grand public ? Ce dernier justement méritait sans doute mieux que cette adaptation plan-plan et sans saveur d’une œuvre magistrale, faite à la truelle par un réalisateur-artisan qui n’a aucune notion de la direction d’acteurs. On salue le geste s’il le faut, mais on ne s’en contentera pas.

Mathias Chouvier

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