Saint-Valentin oblige, la rédaction de Salles Obscures se devait de vous offrir les bijoux du cinéma d’amour… Seulement, l’aigreur de quelques célibatants s’est immiscée dans notre dessein. Si vous en avez marre de croiser des amoureux hébétés se tenir la main en bas de chez vous et des relations idylliques à en vomir à la télé, cette sélection est faite pour vous ! Ici, il n’est pas question de papillons dans le ventre ou de boites de chocolat, retrouvez plutôt la crème de la crème des relations toxiques au cinéma.
Possession, Andrzej Żuławski, 1981

Lorsque Mark (Sam Neill) rentre à Berlin, le comportement de sa femme Anna (Isabelle Adjani) a changé. Le couple a des disputes de plus en plus violentes. Plus le comportement d’Anna est inquiétant, plus Mark est rongé de l’intérieur par un instinct : Anna a un amant. L’infidélité est probablement la pire chose qui puisse se produire dans une relation saine qui fonctionne. L’infidélité dans Possession est probablement la pire chose qui puisse se produire dans une vie. Anna ne trompe pas son mari avec un humain mais avec une créature terrifiante créée par Carlo Rambaldi (King Kong, Alien, E.T). Bon nombre des scènes de ce films sont mémorables et celle de sexe entre la créature et Isabelle Adjani ne fait pas exception à cela. La relation n’est pas plus saine du côté de Mark qui décide d’aller séduire la maîtresse d’école de son fils qui ressemble étrangement à sa femme. Isabelle Adjani habite parfaitement son personnage et la folie qui le caractérise. Un film marqué par la figure du double qui met en scène un couple déchiré comme l’était le Berlin de la guerre froide dans lequel est tourné le film. Ames sensibles s’abstenir, Żuławski offre un film perturbant qui vous fera relativiser votre célibat
Audition, Takashi Miike, 1999

Shigeharu Aoyama (Rio Ishibashi), ne vivant pas bien la mort de sa femme, décide d’organiser une fausse audition de film afin de trouver une nouvelle femme. Il pense avoir trouvé la perle rare en la personne d’Asami Yamakasi (Eihi Shiina). Cependant, lorsqu’Asami disparait, Shigeharu découvre des révélations perturbantes : Asami est responsable de la disparition et le meurtre de plusieurs personnes. Audition est un film passionnant qui passe par beaucoup de genres. Néanmoins le plus marquant reste le torture porn qui arrive à la fin du film. Une relation entre un homme qui organise une fausse audition pour trouver une femme qui s’avère être une meurtrière fan de tortrure ne pouvait que mal tourner. Audition livre un véritable commentaire sur la société japonaise et sur la difficulté qui s’en dégage dans les relations humaines. C’est un film qui a aussi le don de montrer un vice qui semble être de plus en plus d’actualité : la volonté d’être en couple à tout prix. Avec les bases sur lesquelles Shigeharu et Asami partaient, la conclusion était inéluctable et Miike pousse les curseurs du perturbant à l’extrême. Un film qui vous fera réfléchir à deux fois avant de vous lancer dans une histoire d’amour ou une séance d’acupuncture…
La Piel que habito, Pedro Almodóvar, 2011

La Piel que habito est un film à part dans la carrière riche de Pedro Almodovar, un film qui tranche avec la fausse légèreté et le comique absurde qui habitent souvent ses longs-métrages, même les thrillers. Dans ce drame glaçant et cynique, Almodovar met en scène un Antonio Banderas désarmant qui incarne Robert, un chirurgien plastique dont la femme a fini gravement brûlée suite à un accident. Le médecin tente alors de développer une nouvelle peau, sensible et résistante, pour corriger ce qu’il considère comme un échec personnel. La seule chose dont il a besoin, c’est d’un cobaye féminin. À mesure que l’expérimentation se poursuit, le chirurgien et son sujet vont entreprendre une relation perverse et mystérieuse, dont l’issue réside dans un twist parfaitement imprévisible, hautement perturbant et diablement efficace. Une histoire de relations perdues, de drames en cascade et de déviances humaines qui se télescopent, dans un condensé des thématiques chères à Almodovar qui lorgne du côté de Verhoeven dans le mélange des genres et l’ironie cruelle. La Piel que habito est un très grand film, un pas de côté magnifique dans une carrière flamboyante.
Her, Spike Jonze, 2013

Méconnu par les spectateurs en raison d’une filmographie très légère et étant surtout connu pour ses clips, Spike Jonze n’en reste pas moins un génie. L’aboutissement de son art se trouve bien dans Her, film romantique aussi improbable que touchant, sublime dépiction de ce à quoi pourrait ressembler le futur de nos relations amoureuses.
Le sujet ? Un homme (Joaquin Phoenix) brisé par son précédent couple, se retrouve à tomber amoureux d’une intelligence artificielle dont la voix est celle de Scarlett Johannson.
L’objectif du film est d’interroger sur les nouvelles technologies et leur utilisation dans le contexte de la drague, mission accomplie tant l’histoire est belle et crédible.
Spike Jonze cherche à jouer sur l’incompréhension que provoque cette relation à l’égard des proches de Joaquin Phoenix, mais aussi à l’égard des spectateurs grâce à des scènes à la limite de l’absurde. La force de Her se trouve justement lorsqu’il parvient grâce à son absurdité à faire passer un message très universel : l’amour est aveugle, ou plutôt il est invisible.
Gone Girl, David Fincher, 2014

Adaptant le roman Les apparences de Gillian Flynn, David Fincher met en scène l’image idéalisée du couple et sa rencontre avec la réalité.
Introuvable le jour de son 5ème anniversaire de mariage, Amy Dunn (Rosamund Pike) attire l’attention de la police et des médias autour de sa disparition. Les attentes du couple, la volonté de changer l’autre et les efforts fait dans l’optique de plaire sont au cœur de ce thriller porté par un Ben Affleck monolithique mais très convaincant et Rosamund Pike froide et bluffante. Gillian Flynn a travaillé avec David Fincher pour adapter son roman à l’écran (en modifiant notamment la fin de celui-ci). Il y continue son exploration du puritanisme américain et de l’emprise des médias en se basant sur l’image parfaite du suburban couple.
En digne héritier mystique d’American Beauty, Gone Girl nous fait relativiser notre célibat en cette semaine de Saint Valentin.
Phantom Thread, Paul Thomas Anderson, 2017

Phantom Thread, c’est la représentation de l’amour toxique par Paul Thomas Anderson. Film mettant en scène un grand couturier psychorigide interprété par le toujours magistral Daniel Day Lewis, son autorité et sa maestria seront mises à mal lorsqu’il voit arriver dans sa vie la belle mais gauche Alma, interprétée par Vicky Krieps.
Suivra de cette rencontre ce qui sera d’apparence une belle histoire d’amour, mais qui en réalité cache quelque chose de plus insidieux. Mêlant d’un côté complexe d’Oedipe et souhait de domination de l’autre, ce chef d’œuvre de Paul Thomas Anderson se démarque largement au sein de sa filmographie tant il va à contre-courant des habitudes, esthétiques notamment, du réalisateur. Un bijou très sous coté.
Marriage Story, Noah Baumbach, 2018

Faisant l’effet d’une bombe lors de sa sortie sur Netflix en 2018, Marriage Story s’est imposé comme un film culte du 21ème siècle. S’appuyant sur des performances à couper le souffle de Scarlett Johansson et Adam Driver, le long métrage de Noah Baumbach est une fresque hyper réaliste dépeignant les tribulations du mariage, mais surtout celles du divorce. Comprenez l’ironie dans le titre, le réalisateur fait vivre le divorce et la séparation comme un voyage, une histoire, où ses personnages vont se retrouver noyés, submergés par les différentes émotions que fait vivre un événement considéré comme le plus traumatisant dans la vie d’un couple.
Se basant sur une construction narrative quasi théâtrale, difficile de ne pas lâcher une larme devant cette beauté de film.
Midsommar, Ari Aster, 2019

C’est une bonne situation ça ours ?
Écrit après une rupture amoureuse de son réalisateur, Midsommar met en scène la relation entre Dani (la formidable Florence Pugh) et Christian (Jack Reynor) qui est au point mort. Au moment où le point de rupture semble être atteint, une tragédie familiale frappe Dani. Compte tenu de sa fragilité, Christian décide de rester avec elle pour ne pas la bousculer davantage. C’est sur cette base déjà bien pourrie jusqu’au trognon que démarre Midsommar. En plus de cela, Christian planifie un voyage en Suède avec ses amis sans prévenir sa copine. Pour éviter de se disputer avec elle, Christian lui propose par défaut de venir avec elle, pensant qu’elle va refuser. Quoi de mieux pour sauver son couple que d’aller passer ses vacances d’été dans une secte suédoise et ses rituels étranges me direz-vous ? Une secte tellement passionnante que Christian décide de consacrer tout son temps pour l’étudier plutôt que de prendre soin de sa copine en deuil. Si l’emprise de la secte pousse aux évènements de la fin, c’est bien la relation en elle-même qui est problématique et qui poussera une Dani fraîchement élue May Queen à prendre sa décision finale. Une relation qui court à sa perte dès le départ et qui se termine exactement comme on pouvait le présager.
Été 85, François Ozon, 2020.

Été 85 déroule la fresque d’une idylle amoureuse entre deux adolescents dans les années 80. Lors d’une escapade en mer particulièrement mouvementée, Alexis (Félix Lefebvre) est secouru par son chevalier servant. Naïf, il idéalise David (Benjamin Voisin) qui représente la flamme de la passion. Personnification du danger, ce cliché du bad boy satisfait son amour du risque dans des courses de moto solitaires.
Malheureusement, comment pourrait se concilier l’espoir et la dépendance développés par Alexis à l’idée de sa première relation amoureuse et le cynisme et l’envie permanente de renouveau de David ?
Si certains aiment à dire que les opposés s’attirent, Ozon semble plutôt considérer qu’ils sont voués à se faire du mal. L’esthétique d’Ozon pourrait donner envie de prendre la place de ses personnages, mais on sent tout de même se présager un Alexis – Icare qui se brûlera les ailes en s’approchant trop près du soleil.
La femme de Tchaïkovski, Kirill Serebrennikov, 2023

Il est difficile d’imaginer que La Femme de Tchaïkovski est un film qui traite d’amour. Il en est le cœur, autour duquel gravitent tous ses personnages et leurs attaches, mais il n’en est pas le sujet. Personne ici ne s’aime vraiment. Chez Antonina Milioukova, brillamment interprétée par Aliona Mikhaïlova, ce qui semble d’abord être une passion aveuglante s’avère être le fruit d’une vraie folie. La jeune pianiste qui arpente en chasse les rues du Moscou indigent du XIXe, cherche à apaiser par sa dévotion le mal qui la ronge : son envie, son désir, son supposé amour pour le brillant compositeur Tchaïkovski. Plus qu’un vœu, elle en devient dépendante. Pour qu’elle reste en vie, il faut qu’il l’épouse. Lui se retrouve doublement pris au piège, dans une relation qui le condamne avec une personne pour qui rien chez lui ne pourrait vibrer. Tous deux se retrouvent captifs de l’autre, dépourvus de leur liberté, muselés par les liens sacrés du mariage.