Un film de M. Night Shyamalan est toujours un événement… Après son grand passage à vide, il avait réussi à convaincre avec Split, deuxième volet de sa trilogie commencée avec Incassable et terminée avec Glass. Après un Old qui avait laissé à la majorité du public une impression en demi-teinte, l’Américain revient avec Knock at the Cabin. Tout comme son précédent film, le scénario repose sur un pitch simple. Quatre inconnus entrent de force chez une famille et leur annoncent qu’ils sont ici pour empêcher l’apocalypse. Si la famille ne tue pas l’un de ses membres, le monde disparaîtra.

Un commentaire de notre époque à travers l’histoire des cavaliers de l’Apocalypse
Une évidence s’impose rapidement aux spectateurs. Les quatre intrus sont une incarnation des quatre cavaliers de l’Apocalypse. La posture de ces personnages ou encore la manière de les filmer n’est pas sans rappeler celle dont Jordan Peele filme les doubles de ses personnages dans Us. Ils sont à la fois surréels et très humains. Ils sont caractérisés par leurs métiers, leurs tempéraments ou encore leurs fautes passées. Ces quatre personnes dégagent donc un certain mystère. Le cinéma de Shyamalan est marqué par un aspect très religieux, c’est l’une des grandes critiques qui lui est souvent faite. Knock at the Cabin ne fait pas exception à la règle en basant son histoire sur un récit biblique. Néanmoins, c’est un aspect du film qui n’est pas dérangeant. Pour cause, ce sujet a déjà été traité de nombreuses fois au cinéma de manières diverses. L’approche de Shyamalan a le mérite de se concentrer sur un aspect qui dérive du film catastrophe, genre le plus choisi pour aborder l’Apocalypse. Les quelques scènes dignes de ce type de films nous sont montrées à travers un journal télévisé et sont minoritaires. Ces scènes sont impressionnantes et notamment la scène du tsunami qui parvient à faire ressentir l’effroi d’un tel cataclysme. La véritable utilité d’amener les quatre cavaliers de l’apocalypse est de faire un état des lieux du monde. On y parle de catastrophes naturelles mais également d’un virus mortel et extrêmement contagieux. La menace du film devient réelle, tangible, si bien que le spectateur se met à en avoir peur. La crédibilité des quatres cavaliers est remise en question par la famille, ce qui peut faire douter le spectateur. Pendant une longue partie du film, la seule manière de vérifier leurs dires est de regarder si la télé parle des événements tragiques qu’ils avaient prévus. Or, les images se manipulent, et le réalisateur aurait pu mêler ce propos à son film, la manipulation d’images étant un sujet très actuel. L’un des deux pères de la famille, Andrew, a des réactions très agressives et virulentes, pourtant justifiées au regard de la situation, d’autant plus que Shyamalan mêle tout cela à l’homophobie subie par les personnages. En analysant un peu plus loin, on peut y voir des signes de déni de personnes refusant d’admettre ces catastrophes mondiales. Il nie en bloc et ne cherche aucunement à communiquer avec le groupe d’intrus. Il cède au scepticisme en refusant de croire les preuves qui lui sont apportées. Le spectateur est ainsi invité à faire un choix.
Croit-t-il en l’histoire de ces cavaliers de l’Apocalypse ou est-il du côté du scepticisme ? Shyamalan livre un étrange mélange entre interprétation biblique et commentaire de la société actuelle. La présence religieuse semble une nouvelle fois prendre une place importante dans son cinéma, au risque d’en gêner certains. Néanmoins, il arrive à ancrer son récit dans la réalité avec des cavaliers de l’Apocalypse humains et des événements dramatiques connus de tous. L’aspect biblique est au cœur du film avec l’enjeu apocalyptique mais ne prend pas une place réellement centrale dans le récit, bien plus porté par ses dialogues et son concept.

Pari risqué ou coup de génie ?
Ce type de films qui reposent sur un seul concept peuvent rapidement être piégeux pour leur auteur. Si l’idée d’origine peut paraître brillante, c’est en réalité dans l’exploitation de celle-ci que réside la qualité du film. Dans Knock at the Cabin, Shyamalan réussit là où il avait échoué avec Old. Malgré un bon concept, le précédent film du réalisateur s’égarait sur sa fin avec une conclusion mal écrite qui laissait à désirer quant à la qualité de l’explication donnée. Ici, le réalisateur maîtrise son sujet de bout en bout sans partir dans la démesure. En écartant d’emblée l’idée d’une explication (qui n’est pas l’enjeu du film), Shyamalan réussit à tenir son spectateur en haleine. L’enjeu n’est pas de savoir pourquoi ces quatre personnes sont là mais de savoir si cette famille va finir par céder face à la pression des intrus. L’un des grands pièges de ce film est sa construction scénaristique. Le film se construit à partir de cercles répétitifs. Les intrus tentent de convaincre la famille de tuer l’un d’entre eux pour sauver le monde. Certaines conséquences découlent ensuite du choix qu’ils ont fait (tuer l’un d’entre eux ou non). Malgré la répétition, ces boucles ne sont jamais totalement les mêmes ce qui permet au spectateur de garder de l’intérêt pour le film. Le doute quant au choix de la famille subsiste jusqu’à la fin du long-métrage. Contrairement à certains de ses films qui reposent plus ou moins sur le même principe (exploitation d’un concept au sein d’un huis-clos), l’évolution scénaristique de Knock at the Cabin passe essentiellement par le dialogue. Cet aspect du film est parfaitement incarné par la performance de Dave Bautista. L’ancien catcheur trouve ici un rôle à contre-emploi. Shyamalan met de côté la rage et la force physique qu’il peut avoir dans ses autres rôles au profit d’un homme calme, raisonné qui, malgré l’ampleur de sa mission, ne tombe jamais dans la violence ou l’énervement. C’est assurément le plus gros coup de force de Shyamalan sur Knock at the Cabin. Avec ce rôle, Bautista révèle des talents d’acteurs que l’on ne soupçonnait pas et parvient à livrer la meilleure performance de ce film. Outre Bautista, le film offre des interprétations convaincantes. On retiendra notamment celles de Jonathan Groff et Abby Quinn. Les quelques faiblesses du film apparaissent quand la famille (et notamment le personnage d’Andrew) tente de réagir de manière agressive et virulente. Bien que ce soit la réaction la plus logique dans ce type de situation, cela démontre que la puissance du récit de Shyamalan se trouve dans ses dialogues.
Avec Knock at the Cabin, Shyamalan réussit donc là où il avait pu échouer avec certains de ses précédents films. Il nous livre sa vision du livre de l’Apocalypse en l’ancrant au plus près de notre réalité pour offrir un film le plus crédible possible. En maintenant un récit qui tient par ses dialogues, le réalisateur nous offre un thriller réussi et maîtrisé du début à la fin qui est assurément l’une des bonnes surprises de ce début d’année.
Hugo Malojo