Lecture : 3 minutes – contient des spoilers
J’entrais dans la salle ne sachant à quoi m’attendre, ma place prise pour l’avant première un peu au hasard, acceptant, par principe, de regarder tout ce qu’on me propose. Je n’avais vu aucun film du réalisateur, connaissais à peine le nom des acteurs, et avais choisi de ne lire ni avis ni critique sur ce que je m’apprêtais à voir. Les précédents films de Gaspar Noé ne m’étaient pas non plus totalement inconnus, sans les avoirs visionnés, je les savais brutaux, choquants, différents ; je voulais vivre cette expérience qui avait l’air si puissante. Et disons le simplement, je n’allais pas être déçue.

“La vie est une courte fête qui sera vite oubliée.” C’est en ces termes que le synopsis présente le film. Quelques mots, précis, impactants, qui ne prennent leur véritable sens que quand les lumières se rallument à la fin de la séance. Tout au long de son métrage, Gaspar Noé observe et filme la vieillesse, la maladie et l’oubli pour ce qu’ils sont, violents, cruels et impitoyables. Sans fards ni artifices, ces instants de vie sont empreints d’une réalité et d’une sincérité bouleversantes. Parce que vieillir n’est pas beau, cette toute dernière étape de la vie est rarement filmée au cinéma, ou en tous cas jamais de cette manière. Malgré le désespoir et l’impuissance face à l’avancée du temps qui finit par tout détruire, Gaspar Noé prend le temps, au milieu de cette violence sourde, de montrer la tendresse qui demeure jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle. Si les personnages sont démunis face à la situation, l’amour qui les unit les pousse à faire ce qu’ils peuvent. Ce qu’ils peuvent, oui, car ce n’est que rarement ce qu’il faut faire. Les personnages se trompent, tombent, se raccrochent les uns aux autres mais le courant les entraîne inexorablement vers le bas, sans réelle échappatoire possible. Ainsi, si la fin est attendue, étant celle de toute vie, elle n’en est pas moins déchirante. Lorsque l’écran s’éteint et les lumières se rallument, je reste sans voix, figée dans mon siège, ne sachant que faire, que dire, oubliant presque de respirer.

La puissance du film est sublimée par les acteurs, tous excellents, incarnant à la perfection cette famille, parfois dysfonctionnelle mais toujours sincère. C’est par cette honnêteté que transparaît l’amour qui les unit, malgré le passé, mais surtout malgré le présent, dernière épreuve que leur impose la vie, et sûrement la plus dure. Dario Argento et Françoise Lebrun jouent magnifiquement ce couple attachant et déchirant. Jamais dans la caricature, ils saisissent, à travers leurs performances respectives, la complexité de leur personnage et de leur relation, évoluant au fil de la maladie. Alex Lutz joue leur fils débordé, dépassé par les événements mais qui cherche jusqu’au bout une solution, sans que cet amour ni tous ses efforts ne suffisent. Tragique et implacable, le destin de ces personnages est tracé. Leur union est mise en question dès les premiers instants du film, une bande noire séparant lentement mais inexorablement les deux personnages principaux. L’écran est alors divisé en deux pour le reste du métrage, traitant simultanément mais de manière différenciée, les évènements de la vie de ce couple qui décline peu à peu. Ensemble jusqu’au bout mais séparée par l’oubli, cette famille, mise à nue par la caméra, se révèle au spectateur dans tout ce qu’il y a de plus réel et de plus vrai, essayant de vaincre la mort et la maladie. Bataille fatalement perdue d’avance mais dans laquelle tous se jettent corps et âme.

Désagréable mais d’une justesse parfaite, le film de Gaspar Noé est à voir, ou plutôt à vivre, pour comprendre la puissance qui peut être transmise par le grand écran, puissance dont j’ignorais jusqu’alors l’existence et l’étendue.
Lenaïg Cotillec