Deadstream, la nouvelle pépite de la plateforme Shadowz

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Un streamer en disgrâce décide d’investir une maison hantée pour retrouver le succès. Mais il réveille un esprit malveillant, et la tentative désespérée pour capter son audience va se transformer en lutte pour sa survie.

Après un passage remarqué dans plusieurs festivals de genre comme SITGES, le BIFFF, Fantasia ou encore le FEFFS, Deadstream, co-réalisé par Vanessa et Joseph Winter (également interprète du protagoniste du film, Shawn Levy), est arrivé en France grâce à la plateforme Shadowz, connue pour proposer des pépites du cinéma de genre qui ne pourraient pas sortir en salle tant elles sont particulières et ancrées dans une culture poussée du cinéma de genre. Deadstream ne fait pas exception à la règle et s’inscrit parfaitement dans la lignée de ces Shadowz Original.

Une réinvention du found footage 

Le personnage principal décide pour se racheter d’un scandale de visiter en live une maison hantée, une de ses plus grandes peurs. Cet aspect du live va être au cœur du film. Le principe du found footage est simple : les événements du film sont directement filmés par les personnages qui ont une ou plusieurs caméras avec eux. On peut citer, parmi les films les plus connus du genre : Cannibal Holocaust, The Blair Witch Project ou encore [REC] qui suivent des équipes de journalistes/étudiants en cinéma sur le tournage d’un reportage ou documentaire qui tourne mal. Le found footage est un genre qui, par définition, est propice à l’horreur. L’immersion est une stratégie plutôt efficace pour accentuer la peur et l’un des sous-genres qui favorise le plus l’immersion est le found footage. Cependant, si l’idée est novatrice à l’époque de son invention, le found footage n’a pas réellement réussi à se réinventer depuis, à quelques exceptions près (Unfriended, Host) avec des films qui exploitent les plateformes d’appel en ligne.
Deadstream propose donc un principe de live rafraîchissant.
Lorsqu’il arrive dans la maison, le personnage principal installe des caméras dans toutes les pièces ayant vu des événements paranormaux se dérouler. Cette action peut sembler futile mais elle est en réalité fondamentalement intéressante. Cela permet au personnage, lorsqu’il est dans son QG, d’avoir une visibilité sur les autres pièces de la maison et le duo WInter en  joue à la réalisation, notamment en montrant des phénomènes paranormaux que le personnage ne voit pas. Le spectateur est ici mis à la place d’une personne dans le chat, à l’exception près qu’il ne peut pas interagir avec le personnage. Ce procédé, bien que frustrant pour le spectateur, renforce une immersion déjà puissante de par le genre du film  et par la tension suscitée.
Le public du live a une place primordiale dès le début avec le système de la plateforme de streaming (fictive) LivVid. Ce dernier met en place un système de référencement :  le commentaire le plus liké apparaît tout en haut du chat et est donc lu à chaque fois par le streamer. Ce principe est autant utilisé pour faire des blagues que pour aider et alerter le personnage et de ce principe, il est intéressant de noter que le film ne tombe pas dans la facilité scénaristique. Le fait d’avoir un chat qui peut aider le personnage principal peut justifier tous les raccourcis scénaristiques. Le film a l’intelligence de ne pas tomber dans cette paresse en gardant un nombre de moments d’aide du chat du live raisonnable. Le personnage doit parfois se débrouiller par lui-même, ce qui illustre le choix de la complexité  au scénario.
Deadstream joue également avec les différentes caméras en allant jusqu’à placer une GoPro sur le démon qui hante la maison, ce qui crée un effet assez comique surtout quand celle-ci a une lame plantée dans le crâne et qu’elle attaque le personnage principal par la suite.
L’aspect live permet de resserrer l’intrigue, contrairement à d’autres films du type (comme Blair Witch), le flux vidéo n’est pas interrompu. Bien que l’installation et la mise en contexte peuvent être un peu longues, le fait qu’elles soient faites à l’intérieur de la maison, et plus spécifiquement pièce par pièce, aide à balayer cette impression de longueur.
Le dispositif du live est tellement abouti que le film gagnerait peut-être à être regardé sur ordinateur afin de renforcer l’immersion.
Deadstream est un film qui propose une réinvention du sous-genre du found footage en jouant avec les codes préalablement établis et en en proposant même des nouveaux. 

Pour l’amour du genre

Comme déjà mentionné en intro, Deadstream s’inscrit dans la tradition des pépites de genre que Shadowz sait dénicher. On peut notamment citer Sweetie You Won’t Believe It, Beyond The Infinite Two Minutes ou encore NIghtshot qui ne seraient probablement pas arrivés jusqu’à nous sans cette plateforme. Ces films sont compliqués à sortir en salles car ils sont tout simplement trop “niche”, trop éloignés des standards qui fonctionnent dans le cinéma de genre. Le problème étant que sortir un film a un coût, qui plus est un coût élevé. Entre les droits d’acquisitions du film, la promo, son potentiel doublage pour une VF (qui attire plus de spectateurs) ou d’autres dépenses, sortir un film au cinéma coûte cher. Pour rembourser tout ce qu’il a investi dans la sortie du film, le distributeur doit faire fonctionner son film en salle, ce qui n’est pas le cas pour ce type de film, trop ancré dans le genre comme le montrent les entrées des films distribués par The Jokers Films, notamment. Bien que beaucoup de ces films (dont Deadstream) soient passés par des festivals, ils ne sont connus que par les amateurs de cinéma de genre et ne sont pas un bon argument marketing comme un prix à Cannes peut l’être.
Pour citer le réalisateur Alexandre Aja : “Il y a quelque chose de nécessaire dans la démarche de Shadowz” et cela nous permet d’accéder à des films que nous n’aurions pas pu avoir en temps normal.
La présence d’une maison hantée et d’une femme ayant fait un pacte avec le diable est la chose la plus mainstream du film. Pour le reste, il se permet des effets horrifiques bien réfléchis et variés.
Le gore est un élément presque fondamental d’une bonne comédie horrifique. Dans une ère où la plupart des films tombent dans la facilité des VFX (effets numériques, retouchés à l’ordinateur après le tournage), il subsiste des films qui privilégient encore les SFX (effets pratiques qui sont utilisés directement sur le tournage comme, par exemple, du maquillage des prothèses etc.) et c’est le cas de Deastream. Cela passe, notamment, par le maquillage du personnage de Mildred qui semble grandement inspiré par la saga de films Evil Dead. Il évolue au fur et à mesure du film pour dévoiler crescendo son côté démoniaque en allant de l’humaine normale à un maquillage beaucoup plus poussé comme sur l’image ci-dessous. Peu importe si le maquillage est démesuré, le spectateur sait que ce n’est pas le vrai visage de l’actrice. Le plus important est de croire à la mythologie du personnage, et Deadstream y parvient avec succès. Plus le spectateur en apprend sur le passé de Mildred, plus elle est démoniaque, si bien que les Winter arrivent à faire croire à l’existence de leur personnage. 

Le film dispose aussi d’un lot de personnages remarquables du point de vue du maquillage, à savoir les autres démons de la maison. Le premier évoqué est “the corner guy”, une créature humanoïde assez terrifiante qui n’est pas sans rappeler The Chatterer dans l’univers Hellraiser. On retrouve également un enfant qui a une sorte d’animal incrusté dans la poitrine ou un démon de la forêt qui semble inspiré de Gollum.
Comme souvent, une des grandes qualités du film de genre est la conscience de l’héritage de tous les grands films qui sont passés avant et Deadstream ne fait pas exception à la règle.
Le duo Winter trouve toujours le bon équilibre entre idée personnelle et inspiration si bien que ces derniers sont très subtils et que l’originalité du film est ce qui ressort le plus.
Le seul point négatif de ce film dans le rapport au genre est la tension qui n’arrive pas à être constamment maintenue et le film échoue à installer la peur sur la continuité.
En dehors de ça, c’est un film qui développe de très bons effets pratiques et qui ne sombre pas dans un gore important comme peut le faire un Evil Dead par exemple et reste donc accessible à tous, même pour les spectateurs étant moins de cinéma horrifique.
La mythologie de la maison est parfaitement développée avec une explication concernant chaque pièce et les créatures que l’on risque d’y croiser plus tard, stimulant ainsi l’attente du spectateur pour mieux le prendre à revers au moment de leur apparition. A l’image de Mildred, les réalisateurs arrivent à rendre leurs créatures fantastiques et créées à partir de maquillage SFX tangibles, voire presque réelles. Le rapport au genre et même le film n’auraient pas pu être réussis sans la maîtrise des effets pratiques, la façon dont Shawn interagit avec ces créatures et la manière dont elles sont filmées. 

Une comédie extrêmement généreuse 

La comédie est à l’image du reste du film. Elle est parfois référencée avec des blagues sur la culture internet américaine mais vient aussi créer son propre humour. L’humour du film est tellement généreux à la fin que tout devient absurde en frôlant même le nanar (dans le bon sens du terme).
Concernant l’humour “soft” du film, il s’appuie sur un bon nombre de blagues liées à la culture internet en rapport avec le thème du film. Cela va de simples mentions à Pewdiepie à la caricature de streamer en disgrâce à cause d’un scandale lié à un sans-abris.
Le chat live de Shawn apporte une grande dose d’humour et il est intéressant de regarder tous les messages, et pas seulement celui qui est mis en avant car les Winter ont été bien inspirés au niveau de ces blagues. 
Deadstream s’appuie ensuite sur certains comiques de répétition comme la blague du ruban adhésif. Pour citer le personnage : “On peut littéralement résoudre 90% des problèmes de la vie avec du ruban adhésif” et il applique sa doctrine en utilisant son ruban adhésif pour le moindre problème qu’il rencontre, y compris des choses que le spectateur ne peut pas s’imaginer. Ce procédé tend donc à faire basculer le film dans l’absurde, un absurde qui va monter crescendo avec certaines situations qui vont tellement loin qu’on frôle le nanar tant cela en devient ridicule.
Le fait d’avoir un personnage plus effrayé que le spectateur est une perspective intéressante. Il peut soit déclencher de l’agacement envers les cris poussés par Shawn, soit créer du comique et totalement désamorcer la peur ce qui ferait marcher le côté comédie mais beaucoup moins horrifique ou bien, au contraire, s’identifier à la peur du personnage et la renforcer en étant en pleine empathie avec lui. On assiste à l’expérience de spectateur la plus pure où chacun reçoit le film d’une manière différente.
Cependant, la subjectivité peut vite être une limite en raison du tournant que le film prend vers la fin. Shawn décide à un certain moment de se rebeller et d’affronter Mildred. Tout ce qui découle de cette décision va enfoncer le film dans le ridicule et le grotesque qui est un des aspects les plus délicats de l’humour car beaucoup de personnes n’y sont pas sensibles. La fin du film reste cependant exceptionnelle. Elle offre un nombre considérable d’images absurdes avec une caméra mise sur la tête du démon ou des doigts insérés dans le nez du personnage principal sans trop d’explications. Le plan de fin est le summum de l’absurdité et vient conclure le film en apothéose en alliant parfaitement le genre (avec toutes les créatures du film) mais également le comique avec le caractère absurde de la situation.
Le comique est peut-être le point le plus réussi du film. Il est maîtrisé de bout en bout en alliant énormément de procédés et en s’enfonçant petit à petit dans l’absurde et le grotesque, ce qui est le point le plus appréciable de ce film. 


Deadstream est donc le film parfait pour prolonger Halloween. Il s’inscrit dans la tradition du found footage en y mêlant la comédie horrifique et le concept de livestream à la perfection. Les Winter proposent une mise en scène inventive qui traduit un savoir-faire des effets pratiques et un vrai amour du cinéma de genre. Il est important de s’intéresser aux pépites du cinéma de genre, notamment Deadstream mais aussi les autres films de la plateforme Shadowz. Il s’agit, qui plus est, d’une plateforme indépendante et française qui propose du contenu de qualité, parfois bizarre mais qui n’en demeure pas moins appréciable et Deadstream en est le parfait exemple.

Hugo MALOJO

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