L’Avenir : Une leçon de liberté intérieure

Imaginez-vous, un soir de semaine, arte.tv sur la page de votre ordinateur : vous tombez par hasard sur ce film, L’Avenir. Une histoire d’apparence assez simple : Nathalie (Isabelle Huppert) est professeure agrégée de philosophie dans un lycée parisien. Autour d’elle, plusieurs composantes gravitent : sa vocation d’enseignante, ses enfants, son mari (également prof), sa mère envahissante et fantasque, mais aussi Fabien (Romain Kolinka), son ancien élève devenu normalien. Une vie d’intellectuel bourgeois parisien, des maisons inondées de livres, la philosophie comme nourriture : l’équilibre semble régner. Pas pour longtemps.  Brut de décoffrage, son mari lui annonce qu’il la quitte pour une autre femme. Puis, c’est l’escalade de mauvaises nouvelles. Nathalie perd alors bon nombre de ses repères ; elle va devoir réinventer sa vie.

Moins simple qu’il ne voudrait le paraître, L’Avenir touche à divers sujets. Il aborde assez frontalement un certain rapport à la pensée et à la politique. « S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne conviendrait pas à des hommes » : Nathalie cite Rousseau à ses élèves de terminale, tandis que d’autres manifestent dans la rue, contre une énième question sur les retraites, soucieux de leurs avenirs. Sans démagogie, le film souligne l’importance du dialogue avec les idées.

Ce dialogue indispensable est livré tout en nuances grâce à Isabelle Huppert, pour qui le rôle a été écrit (et c’est tant mieux car elle le sublime). Elle incarne une femme courageuse, glissant sur les épreuves de façon quasiment stoïque, tout en lui apportant énergie et humour. Je retiens notamment la réplique que Nathalie déclame à Fabien : « quand j’y pense, mes enfants sont partis, mon mari m’a quittée, ma mère est morte : j’ai retrouvé ma liberté. Une liberté totale, je n’ai jamais connu ça, c’est extraordinaire ! ».  Mais, que faire de sa liberté lorsque les certitudes d’une vie installée volent en éclat ? Nathalie se réinvente et découvre que non, une femme après cinquante ans n’est pas « juste bonne à jeter à la poubelle ».

Avec une extrême justesse, la réalisatrice aborde de nombreuses émotions sans tomber dans le pathos : les épreuves de la vie s’enchaînent certes, mais sans trop d’effusions. Nathalie reçoit les chocs, avec acceptation et stoïcisme : c’est éminemment élégant.

Enfin – et c’est là ma tendance fleur bleue – Mia Hansen-Løve nous pousse à la contemplation à travers son cinéma impressionniste : lumières sublimes d’un hiver dans le Vercors, un été chaud aux Buttes-Chaumont ou le doux crachin breton. De plus, elle sait mettre dans son cadrage la juste distance pour laisser ses personnages évoluer naturellement, sans emphase.

Ainsi, plus qu’une histoire à rebondissements, Mia Hansen-Løve nous livre les chroniques d’une femme touchante, et ouvre un dialogue entre la vie et la vocation. Grande question que de savoir si la Philosophie aide à affronter le tragique de la vie. Toujours est-il que cette dernière parcourt le film et insuffle quelques idées ; cela vaut peut-être la peine de poursuivre la réflexion en ouvrant quelques bouquins.

Gabrielle Maes

Disponible en VOD sur Arte boutique.

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