Tenet : c’est niet

Chers téléspectateurs, chère Maïté, bonjour. Aujourd’hui vous allez nous présenter votre recette pour un bon film mindfuck (pour 4 personnes) :

  • Pour un bon film mindfuck, il faut commencer par trouver un mécanisme exploitable pour l’intrigue du film, par exemple la schizophrénie dans Shutter Island et The Machinist, l’amnésie dans Memento, ou encore le concept du jeu mis en scène dans The Game.
  • Après avoir mis ce mécanisme à mijoter pendant 15 minutes le temps de l’expliquer au spectateur, il est temps de trouver un personnage principal, un peu charismatique mais pas trop quand même. N’hésitez pas aller piocher du côté des acteurs qui jouent rarement ce genre de personnage. L’intrigue est centrée autour de votre personnage mais celui-ci ne doit jamais faire de l’ombre à votre plot.
  • Place maintenant au dressage. Ici, vous pouvez choisir votre lieu de tournage comme bon vous semble mais n’hésitez surtout pas à l’accorder à l’action, un lieu oppressant quand le mindfuck se veut mental, un endroit dégagé pour des scènes plus explicatives.
  • Une ambiance sonore glauque, synthétique viendra parfaitement assaisonner votre plat, en prenant bien soin de ne pas trop la pimenter.
  • Bien sur pour ce qui est des différents plans, régalez-vous, ce n’est pas tous les jours que l’on peut jouer avec des lois universelles comme la gravité ou le temps
  • Après avoir lavé, rincé, et mis ces ingrédients dans une grande casserole, la partie la plus technique de la recette débute. En effet, dans un bon film mindfuck, le spectateur doit être mis dans la confidence du mécanisme qui désoriente les personnages.
Tenet' Movie Review: Christopher Nolan's Locked Puzzle Box

Cela crée une complicité entre le réalisateur et le spectateur. Cette complicité rend l’utilisation du mécanisme satisfaisante dans l’intrigue. On se sent plus intelligent ou perspicace que le personnage principal. Cette complicité est l’ingrédient le plus important de la recette.

Dans Inception, Nolan présente clairement le mécanisme principal : la possibilité de manipuler des rêves, ce qui se matérialise par l’endormissement, les électrodes, le réveil. Cela permet une bonne cuisson de l’action et surtout garder un peu de jus pour le plot twist.

Mettez au four pendant 2h30 à 200°C et dégustez chaud.

https://i2-prod.mirror.co.uk/incoming/article21185130.ece/ALTERNATES/s615b/2_Tenet.png

Evidemment, inutile de bêtement suivre une telle recette pour obtenir un très bon film mindfuck.

Mais à s’en trop éloigner, on obtient un film qui ne parvient pas à surprendre ou un film qui au contraire devient incompréhensible.

Tenet entre dans la deuxième catégorie. (J’aurai pu résumer ça en un tweet « G pa kompri » mais je vais essayer d’élaborer un peu.)

Nolan nous présente ici pour personnage principal, un espion un peu perdu qui rentre parfaitement dans la liste des ingrédients.

Quant au cadre, il suit Inception et privilégie des paysages somptueux, très bétonnés et assez froids qui rendent l’action clinique. Il dresse en premier lieu un fond de guerre froide (pour changer) puis la destruction du monde (classic shit).

Bien sûr, qui dit guerre froide, dit bombe nucléaire, en l’occurrence le plutonium. Déjà, Nolan essaie de donner des explications ou plutôt des disquettes à un contexte qui ne méritait pas tant d’explications que ça.

Bref, la fusion du plutonium crée notre mécanisme principal : il est possible d’inverser le temps comme si certaines entités étaient soumises à une autre dimension dont le temps est inversé.

Ce mécanisme est brillant et permet des effets visuels incroyables, des balles qui retournent à leur fusil d’origine, des coups de poings dans tous les sens, des accidents de voiture à l’envers, la chaleur qui se transforme en fraicheur…

Le phénomène se veut expliqué de façon très claire et accessible. Dans les faits, même les acteurs ne sont pas convaincus par ce qu’ils racontent et on a l’impression d’assister à un mauvais film d’action. Les dialogues, très peu inspirés, sont parfois drôles tellement le vocabulaire allonge les phrases déjà très alambiquées des protagonistes.

Dès lors, on perd de cette complicité entre le réalisateur et le spectateur. Nolan passe son temps à nous donner des explications sur des phénomènes totalement inexplicables pour ensuite déballer une action très nerveuse et perdre son public. C’est extrêmement dommage, on dirait que Nolan essaie à tout prix de cacher l’essentiel de l’intrigue dans une marée d’informations.

Il faut dire que le concept de temps inversé n’est pas simple à comprendre. Les effets spéciaux sont les plus démonstratifs et donnent les indications les plus simples sur l’intrigue.

Tenet review: Christopher Nolan's action movie is like a loud math test -  Polygon

En plus d’avoir oublié de créer ce lien de complicité, Tenet nous abreuve de tous les clichés possibles sur les films d’action du 21ème siècle :

  • Le gros méchant russe sur son yacht qui veut détruire le monde parce que ouaip fuck it en fait.
  • Les indiens mystiques au courant de toute l’intrigue depuis le début, le troisième œil grosso modo.
  • L’entrainement du gentil seul dans son éolienne marine pour revenir plus fort et avec une barbe plus cool que jamais
  • Les Helicopter Apache badass pour détruire l’armée du méchant russe sur fond de désert afghan.
  • Toutes les répliques un peu légères à la James Bond, histoire de donner un côté cool à notre agent secret.
Tenet has very little CGI, explains Christopher Nolan

Tenet se veut un film technique et précis mais il ne fait que perdre le spectateur. L’idée est bonne, on aimerait bien la comprendre et l’anticiper mais c’est mission impossible.

Et c’est dommage car sur le papier le concept d’avoir plusieurs dimensions temporelles inversées était fou.

Certaines scènes restent tout de même exceptionnelles comme la première à l’opéra ou encore l’infiltration dans le port-franc qui restent ultra nerveuses.

Concernant le jeu, les acteurs sont convaincants malgré les dialogues. Robert Pattinson sort du lot avec un personnage mystérieux et insolent.

Alors oui, je suis vexé de ne pas avoir pu mieux comprendre l’intrigue, mais pour un film qui s’est voulu clair pendant plus de 2H30 ce n’était pas T(rès)NET.

Pierre Olivier

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