Avec la sortie de La Reine des Neiges 2, la rédaction se penche sur un genre mal aimé du cinéma : le film d’animation, avec pour cadre le palmarès de l’Academy Award for Best Animated Feature (traduction : la récompense du meilleur Pixar de l’année). Ainsi, il ne sera pas ici question de Persepolis ou du Château Ambulant (j’entends déjà les lamentations sur tel ou tel absent de la liste).
La forme adoptée sera celle d’une Tier List (concept importé de nos cousins du jeu vidéo qui consiste à classer en différents « tiers » des personnages selon leurs forces et faiblesses).
Les tréfonds de la liste sont obscurs comme l’amphi 4 et le sommet resplendissant comme un plafond à LED, donc mouillez vous la nuque avant de commencer.
Tier 4
Bienvenue au royaume enchanté des clichés, des ratés scénaristiques et des films qui vous feront grimacer pendant le babysitting qui finance votre licence. Si vous cherchez un film d’animation à offrir pour Noël : il n’est pas ici.
Happy feet (Disney, 2006)

Je vais commencer par ce que j’ai aimé, le titre Québécois : « Les Petits Pieds du Bonheur». Passons à ce qui ne va pas : le reste. D’une structure narrative faible (Cars, sorti la même année, fait mieux, c’est dire), à l’empilement de thèmes clichés (les humains sont mauvais) et sous développés (l’on passe de l’environnement au fanatisme religieux sans avoir le temps de comprendre pourquoi), ce film rate quasiment tout.
Rebelle (Pixar, 2012)

Je me souviens avoir été séduit par la bande annonce ambitieuse : un Pixar en Ecosse, l’attention aux détails comme une flèche ondulant de manière fort réaliste lors d’un tir, une héroïne rousse, etc.
L’animation s’est avérée correcte mais assez banale dans un genre désormais dominé par une 3D sophistiquée. Le rythme hasardeux de l’intrigue et un humour digne de vos pires repas de famille achèveront de vous passer l’envie de revoir.

Un tir à l’arc plus réaliste que mon projet de passer le permis cette année
Big hero 6 (Disney, 2014)

Si vous ne l’avez pas vu, c’est parce qu’il est sorti la même année qu’Interstellar, The Grand Budapest Hotel, Gone Girl, Boyhood, Birdman, Wiplash, etc. C’est impossible d’avoir le temps pour tous ces films ET les navets occasionnels (à moins d’être en info com).
Pour rappel : un méchant unidimensionnel face à des protagonistes peu emballants, voici la recette de ce Disney qui prend parfois des airs de Pixar et de Marvel, mais qui s’avère finalement être un raté total. Je le situe au dessus de Rebelle parce que le DVD a le mérite de caler mon étagère de manière parfaitement stable.
Tier 3
Cette catégorie pourrait aussi bien s’appeler le filet d’eau tiède en ce qu’elle fournit un divertissement acceptable, témoigne parfois de belles idées mais pêche le plus souvent dans l’exécution.
La Reine des Neiges (Disney, 2013)

Au rang des satisfactions, La Reine des Neiges peut s’enorgueillir d’être entré dans la pop culture comme peut de films de cette liste et ce n’est pas un hasard. Isolée du reste du film, Let it go est réellement réussie (à écouter dans le Grand amphi sans chauffage pour une immersion totale). Disney n’a pas non plus à rougir de son traitement des personnages secondaires. Tous sont remarquablement bien campés et s’articulent assez bien dans le récit. En revanche, le personnage principal est aux princesses Disney ce que Mélanie Laurent est au cinéma français.
Zootopie (Disney, 2016)

Encore un Disney mi-figue mi-raisin. Le propos tenu par Zootopie évite agilement le cliché (en démontant les préjugés et la discrimination plutôt qu’en essayant de reproduire la réalité) et témoigne d’un certain humour. Les personnages sont toutefois assez inégaux (j’aime beaucoup le renard et pas trop le lapin) et globalement pas à la hauteur de l’univers.
On apprécie la disponibilité de l’administration d’Assas qui a accepté de jouer quelques figurants sur le tournage.

Coco (Pixar, 2017)

Coco est une formidable lettre d’amour au Mexique, touchante du début à la (très réussie) fin. Malheureusement, le scénario ne fait pas le poids face aux mastodontes de cette liste et le film est assez peu drôle, ce qui relève de l’anomalie dans un Pixar.
Ils recrutent de plus en plus jeune chez ADC.
Tier 2
On arrive sur des films plus recherchés, qui n’ont pas tout réussi mais qui ont visé très juste. Dans l’ensemble ils sont parmi les plus originaux de cette liste, d’une manière ou d’une autre. Par définition, ils seront également parmi les moins consensuels.
Là-haut (Pixar, 2009)

Si je jugeais les films de cette liste par la qualité de leurs dix premières minutes, Là-haut (ou Up pour les intimes) serait probablement mon préféré. Ainsi, malgré une jolie musique et des personnages attachants, la suite ne parvient pas à rester à cette hauteur. J’ajouterais que l’antagoniste est assez inintéressant et que Fantastic Mr. Fox méritait amplement de repartir avec la statuette. Là-haut est une belle surprise quoique imparfaite.
Vice Versa (Pixar, 2015)

En termes de créativité, ce film se place parmi les meilleurs de son genre. L’idée de départ (dans la tête de la petite Riley, 11 ans, cinq Émotions sont au travail) est pertinente et se traduit par des instants touchants. Le message selon lequel nous ne devrions pas rechercher le bonheur à tout prix et stigmatiser toute autre émotion mériterait un écho plus important. Toutefois, l’on a l’impression que Pixar peine à recréer ici le type de scénario léché qui a fait son succès depuis Toy Story.
Oui le gif vient de là
Wallace et Gromit, la malédiction du lapin garou (Aardman, 2005)

Ce film fait figure d’ovni parmi ses concurrents, tant le stop motion est minoritaire dans l’industrie. Le charme de cette animation, l’humour très british ainsi que l’équilibre entre simplicité et subtilité rendent ce film agréable pour tous.
Rango (Nickelodeon, 2011)

Deux films d’affilée que l’on ne doit ni à Disney, ni à Pixar, décidément cette liste est pleine de surprises. Rango surfe sur un Jonny Depp génial (quoi qu’un peu esseulé). Toutefois, l’atout charme de ce film c’est son animation à couper le souffle qui nous plonge dans une poussière seulement déchirée par un soleil blafard. Points bonus pour les références à Sergio Leone.
Tier 1
Bienvenue dans l’antichambre de la perfection, les films suivants sont ceux avec lesquels on peut voyager sans crainte. Le mot qui les caractérise est « efficacité ». En effet, tous comportent une animation léchée, une musique parfaite et un humour culte.
Toy Story 3 (Pixar, 2010)

Si Pixar ne parvient pas à égaler le deuxième opus, Toy Story 3 est la preuve qu’un excellent sequel est possible (looking at you JJ Abrams). Sans abandonner tout humour, l’histoire aborde avec talent des thèmes tels que le deuil et le départ des illusions enfantines. Un classique devant lequel on réprime une larme pour ne pas craquer devant sa petite soeur, un peu à l’image d’Andy revêtant un sourire immobile quand Woody revient dans la chambre…
Qui se souvient de Spotted Assas ?
Le Monde de Nemo (Pixar, 2003)

Jusqu’où peut-on aller pour ceux que l’on aime ? C’est à cette question que le désormais classique Monde de Nemo tente de répondre. Au-delà de la performance d’un rendu visuel sous marin si élégant, les créateurs du film ont su animer les décors et enrichir les personnages secondaires au point de susciter un irrésistible sentiment d’exploration. Le contraste entre l’étroitesse étouffante de l’aquarium et l’immensité froide de l’océan captive le public sans jamais le priver d’un humour décapant.
Wall-E (Pixar, 2008)

(Image rare d’un Assassien contemplant le M2 de ses rêves depuis son 10,2 de moyenne).
Le doublé pour Andrew Stanton, déjà réalisateur du Monde de Nemo, qui signe avec Wall-E un nouveau chef d’oeuvre tout en finesse. C’est l’illustration parfaite du dicton cinématographique « show, don’t tell » qu’on ferait volontiers recopier quelques centaines de fois aux show-runners de Games of Thrones. Wall-E adopte un rythme extrêmement lent et choisit ses thématiques avec soin, pour un résultat particulièrement poignant. Le boss de fin relève plus de l’obstacle décevant que d’un véritable antagoniste mais cet aspect s’estompe derrière le couple robotique le plus mignon de l’histoire.
Shrek (Dreamworks, 2001)

Certains fans de films d’animation mieux classés dans cette liste snobent Shrek et c’est une immense erreur. Bien sûr, Shrek se caractérise avant tout par son humour infaillible. Là où le deuxième opus recherche régulièrement la punchline, le premier laisse naturellement les relations des personnages faire naître des instants comiques devenus cultes (le casting cinq étoiles y est pour beaucoup). Shrek, c’est un peu ce mec qui n’a pas besoin de forcer son talent pour être meilleur que toi. Il avance totalement naturel et armé d’une musique enthousiasmante (depuis Reservoir Dogs jusqu’aux Gardiens de la Galaxie, l’histoire du cinéma montre que quelques chansons mainstream bien utilisées valent bien la plupart des OST). Quand le moment s’y prête, il change de registre avec douceur et plante l’émotion appropriée chez son public. Points bonus pour la critique acerbe de Disney (Dreamworks ayant été fondé par des anciens du studio de Mickey).
C’est un grand oui.
« I’ve seen your flag on the marble arch, but love is not a victory march »
S Tier
La crème de la crème. Les quatre prochains films sont des merveilles d’intelligence, de finesse et de beauté. Ils ont été conçus pour des esprits adultes mais conviennent parfaitement aux enfants, pas l’inverse. La qualité de l’animation relève ici de l’évidence et chacun de ces films comporte les ingrédients nécessaires au film d’animation parfait, selon des répartitions différentes.
Ratatouille (Pixar, 2007)

Je commence par l’invité surprise de ce gotha, Ratatouille, qui réussit à mêler parfaitement l’hilarité la plus totale et des séquences parmi les plus touchantes de cette liste (je pense notamment au flashback du vilain critique culinaire). Paris et le monde des cuisines sont retranscrits de manière époustouflante. Les couleurs trop vives caractéristiques des premières animations 3D ont laissé place à une palette plus riche et plus subtile et la justesse des couleurs se double alors de celle des idées. Ratatouille est une parabole sincère de l’illégitimité et un plaidoyer passionné pour le rôle de l’outsider (symbolisés par le garçon de cuisine et le rat). Enfin, la recherche culinaire sans cesse renouvelée constitue un ultime pied de nez envers Disney, à l’époque du rachat de Pixar.
Spiderman : New Generation (Sony, 2018)

Je n’avais pas ressenti une telle exaltation à suivre les Spider-course-poursuites à Manhattan depuis la trilogie culte de Sam Raimi. Ce film est le fruit d’une réelle audace artistique (les créateurs d’Into the Spiderverse avaient été recalé de Solo : A Star Wars Story pour avoir refusé de prendre le blockbuster au sérieux). Spiderverse respecte les axiomes du genre : un héros sympathique, un méchant haut en couleurs et beaucoup d’humour, mais va tellement plus loin, déconstruisant méthodiquement tout ce que je pensais inamovible dans cet univers. L’animation psychédélique ne cesse jamais de prendre le contrepied du spectateur, avec une fluidité et une justesse rare, culminant lors d’un final en forme de tempête dans une lampe à lave.
Spiderverse ne s’arrête toutefois pas à cette animation à couper le souffle : le rythme parfait, l’articulation des personnages, la bande-son et une myriade de références subtiles achèvent de faire de ce film un des plus grands films d’animation jamais créés.
Les Indestructibles (Pixar, 2004)

Souvent imité, jamais égalé, le réalisateur Brad Bird, à qui on devra plus tard Ratatouille, ancre dans la décevante réalité (les problèmes de couple sont évoqués avec une légèreté mais une justesse peu commune, tous films confondus) une famille de super-héros extrêmement attachante. De la même manière que Shrek est drôle sans avoir besoin d’essayer de l’être, Les Indestructibles est naturellement émouvant. En cela, il se place au dessus de films comme Là-Haut qui, quoi que très touchants, nous indiquent un peu quand être tristes ou heureux. La finesse narrative se double d’un script efficace jonché de répliques cultes (« CHERIE, OU EST MON SUPER COSTUME ??? », « Tout le monde est exceptionnel ! Ouais autrement dit personne ne l’est… »). Dans un style beaucoup plus classique que Spiderverse, Les Indestructibles s’impose comme la référence du film d’animation ayant remporté un Oscar.
Le Voyage de Chihiro (Ghibli, 2002)

Joli clin d’oeil que le vainqueur soit le seul film d’animation traditionnelle et le seul film non anglophone de cette liste (on salue au passage les Armateurs qui placent la France comme deuxième pays en termes de nominations à cet Oscar). Joli clin d’œil mais pas une surprise, tant le chef d’oeuvre d’Hayao Miyazaki enchante son spectateur avec une douceur et une lenteur élégante. Je ne parviens pas à trouver un film si facilement capable de m’étonner et qui porte cette capacité avec tant de légèreté et d’insouciance. L’animation, réalisée exclusivement à partir de dessins à la main digitalisés, peut bondir d’un gros plan sur un visage ému à un panorama fantastique fourmillant de détails qui révèlent la passion des créateurs. Sans jamais dévoiler tous ses secrets, l’histoire aborde avec simplicité l’enfance, le pouvoir des mots et le mélange du bien et du mal. Faire simple et beau, voilà l’incroyable défi relevé par Le Voyage de Chihiro.
Paul Viguié
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